J’ai plaidé devant le Tribunal Correctionnel d’AGEN le 24 février dernier, une affaire délicate visant une directrice de plusieurs EHPAD de la région, à laquelle le Parquet reprochait le délit d’harcèlement moral par des propos ou comportements répétés, ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leurs avenirs professionnels.

J’avais aidé à préparer la plainte déposée directement par les plaignants ; le Parquet a décidé de poursuivre et a confié l’enquête aux services de Gendarmerie.

La faiblesse du dossier est venu du fait que le Parquet n’a pas décidé d’ouvrir une instruction et l’affaire est donc passée directement de l’enquête de gendarmerie à l’audience.

Devant le Tribunal, les débats ont été riches, complets et ont bien démontré les propos et comportement répétés de la Directrice et l’atteinte manifeste à la dignité et la santé des parties civiles.

A l’ouverture de l’audience, j’avais estimé qu’il était nécessaire de procéder à un supplément d’information et j’avais même sollicité l’ouverture d’une instruction ; cela m’a été refusé, alors qu’il n’existait aucune synthèse complète des faits qui n’avaient donc fait l’objet que d’une simple enquête de gendarmerie.

L’audience a pu cependant mettre en évidence la souffrance réelle des parties civiles et j’ai insisté sur le fait que l’entreprise, quelqu’elle soit, ne peut être un lieu de brimades, de vexations, d’injustice, de reproches, d’humiliations, un lieu où la personne est abimée, où sa dignité est violée.

Le Tribunal a soulevé la question de la médecine du travail qui n’avait pas été saisie comme il le fallait, il reste que la Directrice prévenue a échappé à une condamnation pénale, le Tribunal considérant que les parties civiles ne rapportaient pas vraiment la preuve des agissements délictuels de leur Directrice, mais tout en reconnaissant que les parties civiles étaient victimes.

Cette reconnaissance a été importante pour les parties civiles pour leur reconstruction, même si bien évidemment, elles pensaient obtenir la condamnation pénale de leur Directrice.

Je constate donc qu’il est encore difficile pour la justice de faire la part entre le management nécessaire et le comportement abusif et délictuel de l’employeur.

Gwénaël PIERRE le 29 mars 2021

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